ACTU – URBANISME : Conseil d’Etat, 28 novembre 2024, n°475461 et Conseil d’Etat, 28 novembre 2024,n°488592 – Délai de recours – Notification du recours ; Tempéraments sur les conséquences juridiques d’un panneau affichage comportant des mentions irrégulières relatives à l’autorisation d’urbanisme ;

L’obtention d’une autorisation d’urbanisme n’est pas une fin en soi et il appartient au bénéficiaire de l’autorisation de s’assurer que l’autorisation ne soit pas retirée dans les délais légaux et surtout qu’elle soit purgée de tout recours de tiers, en pratique des voisins situés à proximité du projet.

Pour purger ce délai de recours, il appartient au bénéficiaire de l’autorisation de rendre opposable l’autorisation aux tiers par voie d’affichage complet et régulier d’un panneau sur la parcelle pendant une période continue de deux mois (Article R. 600-2 du Code de l’urbanisme).

Pour être complet et régulier, le panneau d’affichage doit comporter l’ensemble des mentions prévues aux articles A. 424-15 et suivants du Code de l’urbanisme et il doit notamment préciser, conformément à l’article A. 424-17 du Code de l’urbanisme que :

Le panneau d’affichage comprend la mention suivante :

” Droit de recours :

” Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l’urbanisme).

” Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine d’irrecevabilité, être notifié à l’auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R. 600-1 du code de l’urbanisme). “

De manière constante, le juge administratif considère qu’à défaut d’affichage complet et régulier, le délai de recours ne peut avoir commencé à courir (Conseil d’État, 6ème sous-section jugeant seule, 6 juillet 2012, n°339883). Cela signifie que le recours peut être engagé au-delà du délai deux mois.

Reste que si le délai de recours ne peut commencer à courir, le juge administratif considère, conformément à sa jurisprudence dite Czabaj, que le recours ne peut être intenté au-delà d’un délai raisonnable d’un an, indépendamment de l’irrégularité de l’affichage (Conseil d’État, 5ème et 6ème chambres réunies, 9 novembre 2018, 409872).

Dès lors, en cas d’affichage irrégulier, l’autorisation d’urbanisme peut en théorie faire l’objet d’un recours pendant un délai d’un an, à compter de l’apposition du panneau d’affichage sur la parcelle.

Cela étant rappelé, le Conseil d’Etat est venu par deux décisions, tempérer les effets d’un panneau d’affichage comportant des mentions irrégulières sur le plan contentieux.

Dans sa première décision (Conseil d’Etat, 28 novembre 2024, n°488592), le Conseil d’Etat est venu préciser que lorsque l’adresse mentionnée sur le panneau d’affichage pour notifier le recours, conformément à l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme, est différente de l’adresse mentionnée sur l’acte attaquée, le recours peut valablement être adressé à l’adresse mentionnée sur le panneau d’affichage du permis :

“2. Aux termes de l’article R. 600-1 du code de justice administrative : « En cas […] de recours contentieux à l’encontre […] d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code, […] l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. […] L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt […] du recours. […] » Ces dispositions visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, ainsi qu’à l’auteur de cette décision, d’être informés à bref délai de l’existence d’un recours gracieux ou contentieux dirigé contre elle. Si, à l’égard du titulaire de l’autorisation, cette formalité peut être regardée comme régulièrement accomplie dès lors que la notification lui est faite à l’adresse qui est mentionnée dans l’acte attaqué, la notification peut également être regardée comme régulièrement accomplie lorsque, le panneau d’affichage du permis de construire faisant apparaître, alors même que l’article A. 424-16 du code de l’urbanisme ne l’impose pas, une adresse comme étant la sienne, la notification est faite à cette adresse.

3. Par suite, en jugeant que la notification de son recours gracieux par M. A. à l’adresse figurant en haut du panneau d’affichage avec le nom de la société bénéficiaire du permis de construire ne pouvait être regardée comme régulière au motif qu’il ne s’agissait pas de celle de cette société, mentionnée dans l’acte attaqué, la cour a commis une erreur de droit”.

Dans la seconde décision (Conseil d’Etat, 28 novembre 2024, n°475461), le Conseil d’Etat considère dans les circonstances de l’espèce, que la mention relative à la hauteur n’était pas affectée d’une erreur substantielle, de sorte que le délai de recours a bien commencé à courir :

“3. En imposant que figurent sur le panneau d’affichage du permis de construire diverses informations sur les caractéristiques de la construction projetée, dont la hauteur du bâtiment par rapport au sol naturel, les dispositions rappelées au point précédent ont pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture de ce panneau, d’apprécier l’importance et la consistance du projet, le délai de recours ne commençant à courir qu’à la date d’un affichage complet et régulier. L’affichage ne peut être regardé comme complet et régulier si la mention de la hauteur fait défaut ou si elle est affectée d’une erreur substantielle, alors qu’aucune autre indication ne permet aux tiers d’estimer cette hauteur. Pour apprécier si la mention de la hauteur de la construction figurant sur le panneau d’affichage est affectée d’une erreur substantielle, il convient de se référer à la hauteur maximale de la construction par rapport au sol naturel telle qu’elle ressort de la demande de permis de construire. La hauteur mentionnée peut toujours être celle au point le plus haut de la construction. Elle peut également être, lorsque le règlement du plan local d’urbanisme se réfère, pour l’application des dispositions relatives à la hauteur maximale des constructions, à un autre point, tel que l’égout du toit, la hauteur à cet autre point. La circonstance que l’affichage ne précise pas cette référence ne peut, dans un tel cas, permettre de regarder cette mention comme affectée d’une erreur substantielle”.

Ces deux décisions témoignent d’une certaine flexibilité par rapport à l’appréciation de la règle, tantôt au bénéfice du requérant, tantôt au bénéfice du pétitionnaire.

Du point de vue du bénéficiaire de l’autorisation, un affichage régulier, conforme aux dispositions du Code de l’urbanisme, est capital pour s’assurer de faire courir le délai de recours.

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