ACTU – URBANISME – AFFICHAGE AUTORISATION – DELAI DE RECOURS : CONSEIL D’ETAT, 10 mars 2025, n°472387 ; Quand les photographies du panneau ne suffisent pas à rapporter la preuve de l’affichage de l’autorisation sur le terrain ;

En matière d’urbanisme, l’affichage de l’autorisation sur le terrain est une étape primordiale pour rendre opposable ladite autorisation aux tiers et plus particulièrement à ses voisins et purger au plus tôt le délai de recours de ces derniers.

Cette étape doit être prise très au sérieux car elle peut permettre à la fois d’éviter des recours et aussi de tenir en échec des recours engagés par des voisins peu diligents.

En effet, l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme dispose que ” Le délai de recours contentieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir court à l’égard des tiers à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l’article R. 424-15″.

Les tiers bénéficient donc d’un délai de recours de deux mois, lequel commence à courir à compter du premier jour d’une période continue de deux mois sur le terrain. Le panneau doit être maintenu pendant ces deux mois sur le terrain pour purger le délai de recours.

Le juge administratif considère qu’il “(…) incombe au bénéficiaire d’un permis de construire de justifier qu’il a accompli les formalités d’affichage prescrites par les dispositions citées ci-dessus, le juge doit apprécier la continuité de l’affichage en examinant l’ensemble des pièces qui figurent au dossier qui lui est soumis (…)” (Conseil d’Etat, 19 décembre 2019, n°421042).

Autrement dit, la charge de la preuve de l’affichage continue pendant deux mois de l’autorisation repose sur le bénéficiaire de l’autorisation et cela par tout moyen.

Si la preuve reine en la matière constitue le procès-verbal de commissaire de justice (ex-huissier), le bénéficiaire de l’autorisation peut théoriquement utiliser d’autres modes de preuve (attestations, photos…).

La récente décision du Conseil d’Etat vient tout de même remettre en cause la possibilité de rapporter la preuve de l’affichage par tout moyen et notamment par des photographies du panneau d’affichage.

Dans le cas présent, le bénéficiaire de l’autorisation a estimé rapporter la preuve de la date d’affichage du panneau sur sa parcelle au soutien de photographies versées au débat, lesquelles permettaient d’attester de la date de prise de vue, au regard des métadonnées numériques attachées aux photographies.

Le Conseil d’Etat abonde dans le sens du juge qui a répondu par la négative et estime qu’en raison des possibilités techniques de modifier les métadonnées numériques des photographies, la date de ces dernières ne pouvait être regardée comme présentant des garanties d’authenticité suffisantes :

“Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le permis de construire délivré par le maire de Saint-Restitut à M. D… le 8 février 2016 a été rétabli suite à l’annulation de l’arrêté du 3 mai 2016 par lequel le maire avait prononcé son retrait, par un jugement du 31 décembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble devenu définitif. Le délai de recours contentieux à l’encontre de ce permis courait à l’égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates relatives au premier jour d’une période continue d’affichage, postérieure à cette annulation, en mairie ou sur le terrain. Pour justifier l’affichage du permis de construire sur le terrain à compter du 28 janvier 2019, et pour soutenir que, par suite, le recours introduit par M. C… contre ce permis le 1er avril 2019 était tardif et donc irrecevable, M. D… s’est borné à produire des photographies du panneau d’affichage qu’il avait lui-même prises en soutenant que les métadonnées numériques associées à ces photographies attestaient de leur date de prise de vue, ainsi qu’une attestation peu circonstanciée d’un voisin et celle d’un tiers faisant état d’un affichage les 2 et 3 mars 2019. Compte tenu des possibilités techniques de modifier ces métadonnées numériques, c’est sans commettre d’erreur de droit que la cour a jugé que la date de ces photographies ne pouvait être regardée comme présentant des garanties d’authenticité suffisantes. C’est ensuite par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour a retenu, sans qu’il ait été besoin pour elle d’ordonner l’expertise demandée par le requérant, que les éléments qu’il produisait ne suffisaient pas à démontrer un affichage du permis de construire à compter du 28 janvier 2019 et a écarté la fin de non-recevoir opposée par M. D…, tirée de la tardiveté du recours formé par M. C… contre l’arrêté du 8 février 2016”.

Cette décision est pour le moins sévère pour les bénéficiaires d’autorisation et démontre l’importance de faire réaliser un procès-verbal de constat par un commissaire de justice pour justifier de l’affichage continu et régulier du panneau. Si cela engendre un coût supplémentaire, c’est à même d’apporter plus de sécurité juridique.

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